#24 | Les mémoires de l'esclavage à l'agenda de l'automne
Actualité de l'héritage colonial et esclavagiste des musées, en France et dans le monde
Ce numéro commence par un point professionnel et personnel sur les conditions matérielles de production de cette infolettre. Pour aller directement au contenu, cliquez ici.
Deux ans après avoir lancé La botte de Champollion, il m’est devenu de plus en plus difficile de garder une régularité de publication. J’en ai parlé sur LinkedIn mais je le dis ici à présent : je peine à installer une activité pérenne d’indépendant. Les cours que je donne et les quelques piges que j’écris pour le Quotidien de l’Art, malgré tout leur intérêt et toute leur pertinence dans l’articulation de mon travail, ne suffisent pas à m’assurer un revenu décent. En outre, je n’ai pas trouvé de modèle économique stable me permettant d’effectuer la veille, la rédaction et la publication de deux numéros par mois. À ce jour, mes tentatives de trouver un financement pour cette infolettre se sont révélées infructueuses.
Le paradoxe, c’est que La botte de Champollion continue d’être lue et attendue. Je le vois dans le taux d’ouverture et les statistiques de fréquentation, on m’en parle et on me remercie pour ce travail à l’écrit ou de vive voix ; je suis invité à donner des interviews, à intervenir dans des formations en recherche de provenances. Cette année, je mène un atelier de médiation culturelle à Sciences Po Saint-Germain-en-Laye et j’y ai été invité en raison du travail que j’assure autour de l’héritage colonial et esclavagiste des musées, au moins en partie.
En conséquence, depuis quelques semaines, je cherche un poste dans une institution patrimoniale ou dans l’enseignement supérieur. Je vise en priorité les métiers de la médiation culturelle et scientifique, la coordination de projets pédagogiques, le rédactionnel et l’éditorial. Je cherche à Paris ou en région parisienne, même si je suis prêt à envisager de déménager si l’occasion se présente.
Pour l’avenir de cette infolettre, je renonce à viser une publication régulière de deux numéros par mois, et je vais sans doute abandonner aussi l’alternance entre un numéro “actu” et un numéro “ressources”. Je publierai quand c’est possible, avec les contenus dont je dispose à l’instant t.
Trouver un poste peut prendre du temps et, dans l’attente, je continue d’intervenir dans les établissements d’enseignement supérieurs qui m’ont renouvelé leur confiance cette année et je continue d’être attentif à d’éventuelles missions en free-lance. Si vous souhaitez en savoir plus sur mon offre de services, vous trouverez toutes les informations sur mon site web. De plus, vous pouvez toujours me donner un coup de pouce sur Stripe ou me contacter pour toute opportunité de mécénat ou de sponsoring.
En attendant, bonne lecture de ce nouveau numéro consacré à l’actualité de l’héritage colonial et esclavagiste des musées en France et dans le monde.
Au programme
Revue de presse, actualités
Modèle | Le Palais de la Porte Dorée fait appel aux publics dans le cadre du Projet Josepha (autrefois on parlait de crowdsourcing mais le mot n’est plus à la mode, je crois). L’institution cherche à documenter la vie et la carrière de cette femme guadeloupéenne, descendante d’esclaves et modèle des artistes de Montparnasse des années 1920 aux années 1960. L’initiative a fait l’objet d’une visite guidée lors des journées européennes du patrimoine en septembre en dernier, et été couverte par Le Parisien.
Éthique | Dans un bel article richement illustré, l’International Slavery Museum (ISM) de Liverpool pose la question : que faire des collections racistes ? Partant de l’exemple d’une tenue de membre du Ku Klux Klan, Miles Greenwood, conservateur en chef des collections Patrimoine et esclavage transatlantiques s’interroge sur la pertinence d’exposer des objets dont la nature et la vocation sont fondamentalement associées au racisme et, ici, à la suprématie blanche. Avant un redéploiement de l’accrochage permanent prévu pour 2025, l’ISM a fait le choix de continuer de présenter la tenue mais pliée, dans une boîte ouverte, plutôt que sur un mannequin, en majesté dans une vitrine.
Nouvelle-Calédonie | Dans le numéro annuel du Journal de la Société des Océanistes, Souverainetés autochtones. À travers l’Océanie, au-delà de l’État, l’historienne de l’art et anthropologue Marion Bertin revient sur le projet d’inventaire du patrimoine kanak dispersé, se demandant s’il peut être le vecteur d’une souveraineté patrimoniale, en parallèle aux aspirations indépendantistes rythmées par les trois référendums en Nouvelle-Calédonie. Une question qui résonne d’autant plus aujourd’hui, après les manifestations et dégradations qui ont agité l’archipel suite à l’annonce, par le gouvernement français, du dégel du corps électoral en mai dernier.
Suisse | Jusqu’au 19 janvier 2025, le Landesmuseum Zürich / Musée national Suisse accueille l’exposition Colonialisme. Une Suisse impliquée (voir LBDC n°14). Pour l’occasion, il propose des visites guidées, des contenus pédagogiques et des articles de blog mais, surtout, une sélection d’autres expositions en cours sur le sujet ailleurs en Suisse. Une pratique très pertinente, qui s’éloigne des logiques de concurrence entre les institutions patrimoniales et assume l’inscription du musée au sein d’un écosystème culturel plus large.
Agenda
Accrochez-vous, le calendrier est chargé !
Porto-Novo | Les 12 et 13 novembre (oui, c’est aujourd’hui et demain) à l’École du Patrimoine Africain (Bénin) et en ligne, se tient le colloque (Re)penser le modèle du musée en Afrique : nouvelles stratégies de renouvellement de l’offre à l’ère des sociétés post-coloniales et de la transition socio-écologique.
Stanford | Le 13 novembre (demain), Dan Hicks, professeur d’archéologie contemporaine et auteur de The Brutish Museum, Colonial Violence and Cultural Restitution donnera un lunch talk à midi (heure de la Californie), accessible en ligne.
Migrations et esclavage | Deux rencontres organisées par la Fédération des écomusées et des musées de société dans le cadre des JE-DIS de la FEMS : le 14 novembre, Exposer les migrations et le 12 décembre, “Patrimoine et mémoire de l’esclavage : la réception et les attentes des publics”. Les deux ont lieux en visio, de 9h à 10h30. Et comme c’est décidément le sujet du moment, ICOM France organise la table-ronde Patrimoine et mémoire de l’esclavage : comment exposer les collections liées à cette histoire ? le lundi 25 novembre, à l’INHA et en ligne, de 18h à 20h30. Accès gratuit sur inscription.
Rien que des mots, toujours des mots | Parole, Paroles : s’exprimer au musée, le séminaire commun au Palais de la Porte Dorée et de l’Université Sorbonne Nouvelle démarre le vendredi 15 novembre pour un cycle de six rencontres jusqu’en avril 2025. De 10h à 13h, en accès libre et gratuit.
Dahomey | Toujours le vendredi 15 novembre, projection du film “Dahomey” de Mati Diop (voir LBDC n°23) suivie d’échanges avec trois chercheur·ses et un militant à la Fondation Lucien Paye, Cité internationale universitaire de Paris. Accès libre et gratuit dans la limite des places disponibles.
Paris | Après Pierre Singaravélou en 2022, la Chaire du Louvre 2024 est attribuée à Souleymane Bachir Diagne, professeur à l’université Columbia de New York. Du 25 novembre au 9 décembre, il proposera cinq conférences autour de la thématique “Louvre : quels universels ?”, en accès libre et gratuit dans la limite des places disponibles.
Blois | Jusqu’au 1er décembre, exposition Visages d’ancêtres. Retour à l’Île Maurice pour la collection Froberville, en partenariat avec la Fondation pour la Mémoire de l’esclavage, autour d’une collection de 53 bustes moulés sur d’anciens captifs africains mis en esclavage sur l’Île Maurice. France Culture y a consacré un documentaire sonore en deux parties, dans l’émission Une histoire particulière.
Emplois, stages, bourses
Stage | La Fondation pour la Mémoire de l’esclavage recrute un·e assistant·e communication/culture pour 6 mois à partir de début février 2025.
Parutions
Esclavage | “Esclavages. Représentations visuelles et cultures matérielles” sous la direction de Ana Lucia Araujo, Klara Boyer-Rossol et Myriam Cottias aux éditions du CNRS.
Afrique | “La Kora de Victor Schœlcher. L'empire d'un instrument ouest-africain” d’Alexandre Girard-Muscagorry aux éditions du Musée de la Musique/Philharmonie.
Minorités | “Les minorités au musée. Réflexions franco-américaines” sous la direction d’Olivier Maheo à la Documentation française, collection “Musées-Monde”
Et aussi…
Brésil | Les Tupinambas, population auchtone de l’Amazonie, se réjouissent du retour d’un manteau sacré au Musée national à Rio, après avoir passé plus de 300 ans au Musée national du Danemark de Copenhague (à noter que l’annonce du retour par le musée danois date de l’été 2023). Cinq personnes du peuple bororo, originaires de l’actuel état du Mato Grosso, se sont rendues au Musée du quai Branly en octobre pour se reconnecter avec des objets collectés en 1935 et 1936 par Claude et Dina Lévi-Strauss.
Restes humains | Les descendantes et descendants de Kali’nas et d’Arawaks, peuples autochtones de Guyane française réclament à l’État le retour des restes de leurs ancêtres, actuellement conservés au Musée de l’Homme. Elles et ils avaient été exhibés dans des zoos humains à la fin du XVIIIe s., en Europe.
Woh, oh, oh, on the radio | À écouter sur France Culture, un dossier du Point Culture sur le métier de chercheur·ses de provenances et, sur RFI, une enquête en quatre épisodes sur le 27e objet du trésor royal d’Abomey que la France aurait du rendre au Bénin.
C’est tout pour aujourd’hui. Merci à toutes les personnes qui m’ont signalé une information, que je l’ai reprise ou non pour ce numéro, et à bientôt pour un prochain numéro de La botte de Champollion.
Sébastien Magro