#17 | Esclavage au Louvre, statues belges et antiquités grecques
Actualités de la décolonisation des musées, de leur héritage colonial et esclavagiste, en France et dans le monde
Au sommaire de ce numéro : le musée du Louvre s’engage pour une meilleure connaissance de l’esclavage colonial, la Belgique annonce un plan d’actions pour la décolonisation de son espace public, la Grèce récupère 351 pièces antiques, et bien d’autres actualités.
Revue de presse
Esclavage. Le musée du Louvre et la Fondation pour la mémoire de l’esclavage annoncent la signature d’un accord de partenariat d’une durée de trois ans. Il repose sur quatre axes : le développement d’action de médiation dans le musée et le jardin des Tuileries (production de ressources et formation des personnels accompagnant des groupes) ; le soutien à la recherche sur le sujet dans les collections du musée, et la valorisation des travaux de recherche à travers des colloques et conférences ; la participation du musée au Temps des mémoires, programmation d’événements labellisés par la FME qui commémore l’histoire de l’esclavage et, enfin, l’intégration du musée au réseau professionnel “Patrimoines déchaînés” coordonné par la FME, qui aide les institutions culturelles et patrimoniales à mieux comprendre les enjeux de la mémoire de l’esclavage colonial. Je note que le communiqué de presse revendique l’inscription de la démarche au sein d’un “mouvement international qui questionne l’empreinte laissée par cette période sur les arts, la culture, le patrimoine et les institutions chargées de les préserver”. Encore un effort et le Louvre reconnaîtra que son histoire est intimement liée à l’esclavage et à l’empire colonial français.
Histoire coloniale. L’État belge et la région bruxelloise annoncent plusieurs mesures pour décolonisation de l’espace public, parmi lesquelles un projet de contextualisation de la statut équestre du roi Léopold II (unique souverain de l’histoire coloniale à avoir possédé un territoire colonisé à titre personnel), un budget de 2,3 millions d’euros pour les recherches de provenance à l’Africa Museum et un autre de 200.000€ pour financer 3 actions phares dans la Région bruxelloise. La Belgique et sa capitale entendent devenir “pionnières en matière de travail de mémoire et d’interprétation de [l’]héritage colonial” selon les mots de la secrétaire d’État au Patrimoine bruxelloise Ans Persoons.
Grèce. Le ministère de la Culture grecque a annoncé avoir récupéré 351 pièces antiques, datant du Néolithique aux débuts de l’Empire byzantin. Elles faisaient l’objet d’une bataille juridique opposant l’État grec et le marchant d’art britannique Robin Symes depuis 17 ans.
Provenances. Lors de mon récent voyage en Amérique du Nord, j’ai rencontré Meghan Bill, la première responsable des recherches de provenance du Brooklyn Museum. Nous avons discuté de transparence, d’accessibilité et d’inclusion, dans une interview disponible sur le site du Quotidien de l’art (voir également LBDC n°16).
Rencontres et conférences
Multi-discipline. La captation du colloque “Black Portraiture(s) : Paris 2013-2023 Enduring Blackness”, qui a eu lieu au musée du quai Branly les 20 et 30 mai derniers est disponible sur YouTube.
Histoire de l’art. Les Assises de l’histoire de l’art-Rencontres du CFHA avaient lieu le 7 juillet (oui, c’est aujourd’hui) à Sceaux, en région parisienne. Dans le programme, j’ai repéré une table-ronde sur les enjeux et l’actualité des arts de l’Islam, une autre sur les études de genre dans la pratique de l’histoire de l’art (avec notamment Eva Belgherbi qui édite la newsletter Morose Morisot) et un point sur les restitutions des biens spoliés pendant la Second Guerre mondiale.
Genre. Le 2 octobre prochain aura lieu la journée de recherche-action Exposer l’art colonial au prisme du genre dans les musées au Musée de Pont-Aven (Bretagne). Au programme figurent notamment Julia Botte et Mélissa Andrianasolo, intervenantes de la série de podcasts sur le rôle social des musées que j’ai co-produit au printemps 2022 avec Bérénice Billiez.
Et aussi
Université. Au Québec, la bibliothèque de l’Université Laval a lancé un chantier de mise à jour de son référentiel, dans le but d’utiliser de termes plus respectueux des Premières Nations, en associant les populations concernées.
Marseille. Sur Instagram, le compte Marseille coloniale décrypte l’histoire de la citée phocéenne pour “comprendre et agir dans le présent grâce au passé”. Exemple dans la vidéo ci-dessous qui pose la question de la présence de deux statues représentant les colonies d’Afrique et d’Asie, aux pieds de la gare Saint-Charles.
Podcast. Dans la saison 2 du podcast La face cachée de la Suisse (voir LBDC n°14), la RTS donne la parole à Shyaka Kagame, un trentenaire genevois noir qui mène en parallèle une enquête sur l’histoire coloniale de son quartier, et un combat pour faire reconnaître le caractère raciste d’une agression qu’il a subit.
Nouvelle-France. Dans Le Devoir, Jean-François Lisée rend compte d’un ouvrage non traduit en français, Bonds of Alliance: Indigenous Atlantic Slaveries in New France de Brett Rushforth. On y apprend qu’au début du 17e siècle, une “diplomatie esclavagiste” unissait certaines nations autochtones et les Françaises et Français installés autour des Grands Lacs.
C’est tout pour aujourd’hui. Merci à Nicolas Navarro, Sarah (de Mêtis) et à toutes les personnes qui m’ont signalé des informations, que je les ai utilisées ou pas.
La botte de Champollion revient dans deux semaines pour un dernier numéro avant la pause estivale. Il contiendra des ressources sur l'ancrage dans un continuum colonial des soulèvements qui agitent l’Hexagone ces derniers jours, suite à la mort du jeune Nahel.
[edit du 21/07/23] : ce numéro n’étant pas prêt, j’ai décidé d’y renoncer pour le moment. Mais je garde le projet de consacrer une édition au racisme dans l’espace public et ses articulations avec la culture plus tard. C’était le dernier numéro avant l’été ! Bonnes vacances à celles et ceux qui peuvent prendre, bon courage à celles et ceux qui travaillent, on se retrouve fin août.
Sébastien Magro